Précarité hydrique en France : un enjeu social et territorial
La « précarité hydrique » désigne la situation de personnes qui n’ont pas un accès effectif, suffisant et garanti à l’eau potable et à l’assainissement, soit parce que leur logement n’est pas raccordé au réseau, soit parce qu’elles vivent dans des habitats informels ou sans domicile. Ainsi, cette notion se distingue du stress hydrique lié au changement climatique : elle met en lumière un enjeu de justice sociale et territoriale.
Précarité hydrique - enjeux et constats
En France, 99 % de la population est raccordée à un réseau public d’eau. Pourtant, l’accès réel à l’eau potable et à l’assainissement reste fragile pour de nombreux ménages. Les impayés d’eau concernent alors environ 2 à 3 % des usagers au niveau national, et jusqu’à 30 % en Guadeloupe. À cela s’ajoutent près de 330 000 personnes sans domicile et 100 000 vivant en habitat informel, qui dépendent de solutions précaires comme des bornes-fontaines, des bidons ou l’accès à des douches publiques.
La précarité hydrique renvoie ainsi à une inégalité sociale. Elle touche d’abord les personnes sans logement stable, mais aussi celles dont la situation économique les expose à des coupures ou des restrictions d’usage. C’est un angle mort des politiques de lutte contre la pauvreté, alors même que l’eau est un droit fondamental reconnu par les Nations unies depuis 2010.
Un cadre réglementaire qui possède des limites
La réglementation encadre déjà les obligations des services d’eau potable :
- La directive européenne (directive (UE) 2020/2184 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine) impose aux États membres de garantir un accès à l’eau pour les populations vulnérables et marginalisées.
- En droit français, le Code de la santé publique consacre l’obligation pour les collectivités d’assurer la distribution d’une eau potable conforme aux normes de qualité.
- Depuis 2013, la loi Brottes interdit les coupures d’eau pour impayés dans les résidences principales, mesure renforcée par la loi Engagement et Proximité (2019).
Cependant, ces dispositifs ne couvrent pas toutes les situations. Les personnes sans logement raccordé ou vivant en habitat précaire restent en marge des protections légales, faute de dispositifs adaptés pour garantir un accès universel.
De plus, la précarité hydrique se manifeste différemment selon les contextes :
- Dans les métropoles, elle touche principalement les bidonvilles, squats et habitats précaires, où les équipements de base (eau, assainissement) font défaut.
- Dans les outre-mer, la vétusté des réseaux, les difficultés financières des services publics et le poids des impayés entraînent des interruptions fréquentes.
- Dans les zones rurales ou certains territoires en sécheresse, des coupures ou restrictions peuvent fragiliser encore davantage les ménages précaires.
Comment agir contre la précarité hydrique ?
Agir contre la précarité hydrique suppose d’aller au-delà des seules politiques de gestion de la ressource. Ainsi, les leviers prioritaires sont :
- sécuriser l’accès pour les publics fragiles (points d’eau et sanitaires publics, accompagnement social en cas d’impayés),
- renforcer les obligations des collectivités pour garantir une desserte universelle,
- adapter les dispositifs réglementaires aux réalités des habitats informels et des personnes sans domicile,
- et développer une tarification sociale de l’eau, permettant d’assurer un volume vital accessible à tous.
Un diagnostic social et territorial nécessaire
Il n’est plus possible de traiter la précarité hydrique comme une conséquence marginale de la crise climatique.
C’est d’abord une question sociale, qui interroge le respect du droit à l’eau et à la dignité humaine en France.
Pour agir efficacement, il est indispensable de réaliser des diagnostics territoriaux d’accès à l’eau, associant collectivités, services publics et associations. Ces diagnostics permettront :
- d’identifier les zones et publics en difficulté,
- d’adapter les réponses sociales et techniques,
- et de mettre en œuvre une véritable politique de solidarité hydrique à l’échelle nationale.